Le renforcement musculaire en salle ou chez soi est une activité qui s’installe progressivement dans la vie des Français.
On compte dans notre pays plus de 6 millions d’adhérents dans les salles de sport soit quasiment 9% de la population et on estime que 30 à 40% des pratiquants sont des femmes.
Schéma 1: On constate que 42% des femmes pratiquent une activité physique quelconque au moins une fois par semaine contre 40% pour les hommes.
Source graphique : http://cb-expert.fr
Les femmes visent tout comme les hommes à bénéficier des avantages de la pratique à savoir :
– l’amélioration de leur santé métabolique
– l’augmentation de leur performance athlétique et des aptitudes motrices
– la recherche d’un idéal esthétique
Le curseur pour ces ambitions sportives varie d’une personne à l’autre et implique donc une logique de cycle différente dans la réalisation des séances, des mouvements pratiqués, du volume de pratique…
Mais à quel point l’entrainement d’une femme en quête de ces bienfaits est-il différent de celui des hommes ?
Dans cet article, je vais tenter de démystifier certaines idées afin d’améliorer la pertinence des entrainements pour les femmes.
1) Les femmes et les hommes disposent ils du même nombre de muscles ?
Il est communément admis que les hommes et les femmes ont le même nombre de muscles, soit environ 639 muscles dans le corps humain. Cependant, il est important de noter que la répartition et la taille des muscles peuvent varier d’un individu à l’autre, indépendamment du sexe.
Ce point semble être anodin mais il permet de justifier selon moi pourquoi un homme et une femme pourraient travailler de façon similaire en renforcement musculaire… si notre conduite n’était pas dictée par la société, la mode et autrui.
Après tout, peut-être que dans plus ou moins une décennie la norme évoluera au profit de modèles où les hommes viseront des fessiers galbés et les femmes des deltoïdes et un dos large massif.
La tendance des entrainements visibles en 2024 s’inversera donc.
Retenez donc bien ce point qui sera évoqué à plusieurs reprises dans cette article : votre volonté de ressembler à un modèle est plus liée à une norme que la société impose qu’à des différences de caractéristiques physiologiques ou anatomiques entre hommes et femmes.
2) Avoir une silhouette massive, musclée, galbée ou tonique ? Quelles sont les différences ?
Aucune. J’exagère volontairement le trait et par aucune je veux dire, aucune dans le sens où ces termes sont employés couramment par les personnes influentes ou les médias mainstream.
Elle : « Je veux un corps galbé mais pas musclé ».
Moi : « Fichtre »
L’idée selon laquelle les femmes ne veulent pas devenir massives ou gagner en masse musculaire est largement répandue et reflète les normes de beauté et les attentes sociales qui pèsent sur les femmes depuis des décennies.
Dans notre société, le corps féminin est souvent jugé en fonction de critères de minceur, de délicatesse et de féminité, ce qui a conduit à une crainte généralisée chez les femmes de développer une musculature trop prononcée.
En conséquence, de nombreuses femmes ont intégré l’idée que pour être attrayantes et acceptées socialement, elles doivent éviter de développer une musculature trop importante. Elles expriment souvent le désir d’être « toniques » ou « galbées » plutôt que « musclées », utilisant ainsi des termes euphémiques pour décrire un physique ferme mais pas trop musclé…
Pourtant les termes signifient la même chose. Avoir des muscles galbés ou toniques c’est avoir de la masse musculaire. Il faut donc construire ces muscles avec une activité physique qui a les mêmes caractéristiques : un volume de travail adapté, une tension mécanique (charge) suffisante, un stress métabolique dosé, une récupération conséquente tout un appliquant ce fameux principe de « surcharge progressive » c’est à dire intensifier ses efforts de façon très progressive dans le temps.
C’est ensuite la quantité de masse musculaire et de masse graisseuse qui va définir à quoi vous ressemblerez. Il suffira en fonction de vos ambitions de forme d’accentuer votre pratique et le volume alimentaire (tendre vers un surplus calorique donc) pour accentuer sa masse musculaire. Dans une certaine proportion vous allez le voir…
S’il ne fallait retenir qu’une chose sur cette partie :
Pas d’inquiétude à avoir donc quant à votre propension à devenir « musculeuse » en quelques mois ou quelques petites années.
La probabilité et la facilité à le devenir sont sans doute les mêmes que pour devenir riche grâce à la bourse : faible, et impossible sans investissements importants
3) Le périnée ou plancher pelvien est-il présent chez la femme et l’homme ?
Le périnée ou plancher pelvien s’étend du pubis jusqu’au coccyx. Cet ensemble complexe de muscles, de ligaments et de fascias est situé dans le bas du bassin. Le plancher pelvien assure le soutien des organes génitaux, du rectum, de la vessie et des viscères.
Vous êtes nombreux ou nombreuses à penser que cet ensemble de muscles n’est présent que chez la femme.
Pourtant hommes et femmes disposent des muscles du plancher pelvien. La musculature pelvienne est toutefois plus développée chez la femme en raison des fonctions spécifiques associées à la grossesse et aux changements hormonaux.
Quoi qu’il en soit, le périnée assure les mêmes rôles pour hommes et femmes à savoir l’amortissement des pressions abdominales et le support des voies génitales, urinaires et digestives.
Les femmes et particulièrement les jeunes mamans prennent consciences rapidement de ce muscle :
c’est en post accouchement que les risques de chutes d’organes et de fuites urinaires sont importants.
Schéma 2 : Les muscles du plancher pelvien chez l’homme et la femme.
Source image : http://my-big-bang.fr
Malgré des appareils génitaux différents chez l’homme et la femme, il est important de constater que les mêmes muscles agissent autour de cette zone avec des rôles similaires.
4) Les femmes possèdent elles des pectoraux ? Doivent ils être travaillés ou ignorés ? Les travailler fait-il diminuer la taille des seins ?
Schéma 3 : Réponse en image, les pectoraux sont aussi présents chez la femme, ils sont simplement invisibles, dissimulés par une couche de tissus adipeux et glandulaires : les seins.
Source image : www.musculation-femme.fr
Si les pectoraux sont présents chez l’homme comme la femme c’est qu’ils assurent les mêmes fonctions utiles au mouvement :
– l’adduction de l’épaule (le fait d’amener le bras vers l’intérieur)
– l’antépulsion du bras (le fait d’amener le bras vers l’avant)
– la rotation médiale du bras (fait d’amener la main vers l’intérieur. Coude fléchi par exemple)
Ce sont des actions que l’on exerce quotidiennement.
Pourquoi est-il important de les travailler également ? Parce qu’ignorer certains groupes musculaires peut conduire à des déséquilibres amenant une mauvaise posture, des instabilités articulaires, une diminution de la mobilité et des douleurs.
Tout comme il est important pour les hommes de ne pas ignorer le travail des quadriceps, des ischios jambiers et des fessiers. (la norme, vous vous souvenez ?!)
Une autre croyance erronée ferait que le travail des pectoraux est ignoré chez la femme : muscler les pectoraux se ferait au détriment des seins qui perdraient en volume.
Cette croyance est erronée.
Muscler les pectoraux chez les femmes ne diminue pas nécessairement la taille de leur poitrine. En fait, le développement des muscles pectoraux peut même contribuer à améliorer l’apparence globale des seins en renforçant les muscles qui les soutiennent et en permettant un effet « push-up » : soutenir la cage thoracique et donner aux seins une apparence plus ferme et soutenue.
La taille et la forme des seins dépendent principalement de la composition corporelle individuelle, de la quantité de tissu adipeux et glandulaire dans la région mammaire, ainsi que de facteurs génétiques et hormonaux. Les muscles pectoraux se trouvent sous les tissus mammaires et ne sont pas directement responsables de la taille ou de la forme des seins.
Il est possible tout de même que chez certaines femmes, un renforcement excessif des muscles pectoraux combiné à une réduction significative du pourcentage de graisse corporelle (déficit calorique) puisse entraîner une diminution de la taille apparente des seins en raison de la perte de volume adipeux dans cette zone..
5) Hommes et femmes sont-ils égaux face à la construction musculaire ? En outre, la femme peut-elle devenir « énorme » en terme de masse musculaire ?
Il faut modérer la réponse. C’est en théorie possible, mais cela reste rare et nécessite un labeur important comparativement à la gente masculine : un profil génétique rare, mais aussi une alimentation favorable. Ces 3 paramètres étant très rarement présents, mesdames, soyez rassurées.
Les hommes disposent en général d’une masse musculaire supérieure aux femmes.
Cela est dû principalement à une hormone, la testostérone qui est plus présente chez l’homme et qui favorise la croissance musculaire (on parle de 5 à 8 fois plus présente). Et oui, la testostérone est également présente chez la femme.
Schéma n°4 : Bien que ce schéma ne montre pas les taux de testostérone chez la femme, il a le mérite de montrer l’évolution des hormones œstrogènes et testostérones expliquant la diminution progressive de masse musculaire inexorable chez l’homme et la femme : La sarcopénie.
Source : www.revmed.ch
La masse musculaire étant corrélée avec le niveau de force (partiellement en tout cas), voici aussi la raison pour laquelle à volume d’entrainement égal les hommes sont en moyenne plus forts que les femmes.
Autre caractéristique, la répartition des fibres musculaires est différente chez l’homme et la femme :
– Les hommes ont une plus grande quantité de fibres musculaires de type II associées à la force et la puissance.
– les femmes ont une proportion plus élevée de fibres musculaires de type I associées à l’endurance et à la résistance à la fatigue.
Tous ces paramètres expliquent pourquoi la capacité à développer une masse musculaire chez la femme est complexe : facteurs génétiques, hormonaux, nutritionnels, qualité et quantité des entrainements…
Bien sûr, la notion de « trop musclée » est subjective.
La société valorise l’image de femme « dessinée », avec des muscles qu’on pourrait définir de façon euphémisée comme fermes et galbés, ou tonifiés comme sur l’image ci-dessous de la femme A
Cette même société est plus critique sur le corps de l’athlète B affichant un physique avec des muscles plus secs et massifs.
Ce deuxième physique reste quoi qu’il en soit très difficilement atteignable sauf pour une poignée de femme élite : masse musculaire très importante et masse graisseuse très faible.
Schéma n°5 : Femme A
Schéma n°5bis : Femme B
6) Les femmes doivent-elles travailler sur des séries longues exclusivement en renforcement musculaire ?
Travailler exclusivement sur des séries longues en renforcement musculaire est l’un des mythes les plus répandus chez les femmes.
On entend souvent dire que les séries longues sont plus adaptées aux femmes, car elles aideraient à « tonifier » (retour de l’atténuation) sans augmenter la masse musculaire de manière significative.
Vous savez maintenant que ces termes signifient la même chose.
Cette croyance serait accentuée par les caractéristiques musculaires de la femme vues précédemment : comme elle dispose de fibre de type I majoritairement, il faudrait donc s’entrainer… en endurance.
Schéma n°6 : Les muscles sont composés de fibres rouges (type I), les muscles roses (type II a) et blancs (type II b) sont majoritairement les mêmes chez les hommes et les femmes. La différence entre le rose et le rouge étant peu perceptible, voici les principaux muscles à dominance type II chez l’homme et la femme : les quadriceps, les ischios-jambiers, les mollets, le grand dorsal, les trapèzes, les triceps, les deltoïdes.
Source photo : http://aquaportail.com
Bien que les séries longues avec des charges légères peuvent contribuer à améliorer l’endurance musculaire et à brûler des calories, elles limitent toutefois assez rapidement la progression.
La raison est simple : les longues séries influencent le stress métabolique qui peut être bénéfique dans le cadre d’une perte de poids mais qui n’est pas le paramètre principal du développement musculaire.
Pour optimiser les résultats et garantir un développement musculaire équilibré, il est essentiel de varier les formats de séances. Cela inclut l’intégration de séries courtes de 2 à 6 avec des charges lourdes, des séries moyennes de 7 à 12 avec des charges modérées et des séries entre 13 et 30 répétitions.
S’il fallait ne retenir qu’une chose ici : Tout comme pour les hommes, cycler les formats de séances (varier les mouvements mais aussi le nombre de répétitions) oblige les muscles à s’adapter et permet de prévenir un plateau de stagnation, de continuer à diminuer votre masse graisseuse au profit de votre masse musculaire… pour que votre physique soit adéquation avec ce que vous recherchez. Quelques exemples ci-dessous :
Schéma n°7: Différents profils de femmes avec un taux de masse graisseuse différent.
7) Les femmes doivent travailler exclusivement le bas de corps
Ce mythe repose lui aussi en grande partie sur les normes de beauté et les attentes sociétales qui valorisent un physique mince et tonique.
En mettant souvent l’accent sur les jambes et les fesses comme zones clés de focalisation, les médias et la publicité ont contribué à promouvoir cette idée en mettant en avant des images de femmes au physique sculpté et en insistant sur l’importance d’un « fessier rebondi » ou de « cuisses toniques ». C’est « l’effet Kardashian ».
Comme nous l’avons vu plus haut, se concentrer exclusivement sur une zone du corps dans l’entraînement peut entraîner des déséquilibres musculaires et compromettre la santé globale du corps. Un déséquilibre musculaire entre le haut et le bas du corps est d’autant plus important qu’il peut entraîner des problèmes de posture, des douleurs articulaires et des risques de blessures.
Il est fondamental d’avoir une programmation visant à travailler l’ensemble du corps. Cela n’empêche pas de positionner le curseur en faveur de certains groupes musculaires et c’est d’ailleurs assez souvent l’objectif de la préparation physique spécifique à un sport.
Vous pouvez-vous donc vous focaliser sur une zone, mais n’oubliez pas pour autant le reste du corps.
Schéma n°8: Un site s’est amusé à représenter le corps idéal de la femme en fonction des critères importants en 2018 : Un large fessier, une taille fine. Ce sont les deux termes qui revenaient avec une forte récurrence lorsque des femmes étaient interrogées sur « un corps idéal ».
8) Les femmes ne doivent faire que du gainage, des abdominaux hypopressifs et éviter de solliciter le grand droit
Il est vrai que le travail du transverse ou « muscle abdominal profond » est essentiel pour maintenir la stabilité du tronc et protéger la colonne vertébrale.
Le transverse joue un rôle crucial dans le maintien de la tonicité abdominale et dans la prévention des blessures liées à la colonne vertébrale. En le renforçant, on peut améliorer la stabilité du tronc, réduire les douleurs dorsales et favoriser une silhouette plus équilibrée. C’est LE muscle qui permet d’avoir un ventre plus plat.
Proportionnellement, il est pertinent de le travailler régulièrement au même titre que les obliques et d’avoir un volume moins important sur le grand droit.
Mais il ne faut tout de même pas diaboliser ce dernier qui est muscle abdominal superficiel avec des fonctions importantes…
Il joue un rôle dans le maintien de la posture et dans la stabilité du tronc, en particulier lorsqu’il est correctement activé conjointement avec le transverse.
Il est responsable de la flexion de la colonne vertébrale qui est un mouvement naturel du corps. Exclure totalement le grand droit de l’entraînement abdominal peut entraîner des déséquilibres musculaires et limiter la fonctionnalité du tronc.
Mais alors, pourquoi nous retrouvons sur la toile de nombreux contenus visant à limiter les mouvements développant le grand droit, comme le crunch ?
Il est vrai que le mouvement de crunch a tendance à amener les organes vers le bas ce qui est contre-productif vis-à-vis des muscles du plancher pelvien qui visent eux à les maintenir. On preferera un travail hypopressif à hyperpressif.
L’autre raison est surtout esthétique : le développement excessif du grand droit peut conduire à une augmentation du volume abdominal malgré des abdos dessinés. Ceci peut-être considéré comme indésirable selon les normes de beauté féminines actuelles.
Le terme a retenir ici est donc bien « excessif ».
Pour ces raisons, il est recommandé de trouver un équilibre entre le renforcement du transverse et du grand droit, en privilégiant des exercices qui ciblent l’ensemble de la ceinture abdominale de manière équilibrée. De façon générale, les mouvements qui se font dans l’auto-grandissement et non le raccourcissement. Cela ne signifie donc pas supprimer la totalité des mouvements impliquant le grand droit de l’abdomen.
Schéma n°9 : Anatomie de la région abdominale. On aperçoit bien le grand droit, muscle le plus superficiel et plus en profondeur le muscle transverse.
Source image : www.body-burn.com
Pas de surprise donc… les idées reçues sur le renforcement musculaire chez les femmes sont le produit d’une combinaison complexe de normes sociétales, de perceptions erronées et de méconnaissances anatomiques. Ces idées préconçues peuvent limiter les possibilités des femmes en matière de forme physique et les décourager de tirer parti des nombreux avantages que peut offrir un entraînement musculaire équilibré.
En examinant les faits précédents, il est clair que les similitudes entre hommes et femmes dépassent largement les différences.
Les femmes possèdent les mêmes muscles que les hommes et doivent avoir elles aussi un entraînement musculaire varié et équilibré.
Reste à chacune, à la lumière de ces connaissances, de se positionner et de ne pas se focaliser uniquement sur des critères esthétiques dictés par des normes socialement construites mais aussi sur l’aspect santé et fonctionnel des muscles.
Notons que chaque femme (chaque être vivant au passage) a ses propres spécificités et que ses objectifs en matière de forme physique peuvent évidemment varier et orienter ses choix… en connaissance de cause.
Le coach sportif n’est pas là pour poser un jugement sur les critères esthétiques souhaités par la personne, il doit toutefois à mon sens avoir un sens éthique et diriger.
Si les choix de la personne entrave sa santé en mettant en péril un équilibre naturel, il est important de l’orienter.
La norme c’est bien (pour certain), le bien-être, c’est mieux (pour tous).
Merci Jeff très instructif et intéressant